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Combien vaut une vie? "VVS"

Dernière mise à jour : 28 oct. 2023


Image de Mariana Montrazi par Pextel



Ceci est l’histoire d’une indécence à laquelle nous nous sommes risqués cette semaine quand nous nous sommes complu dans l’angoisse autour d’un petit sous-marin parti se promener dans l’océan Atlantique pour faire du tourisme autour de l’épave du Titanic et au secours duquel nos gouvernants ont envoyé en vain, de toute urgence, la meilleure de nos technologies.


Qu’on ne se méprenne pas, s’inquiéter de frères humains qui sont prisonniers sous l’eau d’une cage de métal fragile, ce n’est pas de l’indécence en soi. Il est aussi parfaitement naturel d’être intrigué par le retour d’un mythique, donc, le Titanic, soudain porter de nouvelles morts. Mais cette angoisse mondiale est venue trop vite. Elle a trop bien chassé de nos mots et de nos pensées d’autres êtres, eux aussi engloutis, enfermés dans la cale d’un bateau de migrants qui, la semaine dernière, avait coulé au large de la Grèce. Territoire touristique. Dans les mêmes eaux ou des touristes fortunés se baignent.


Ce sont 300 ou 400 personnes, peut-être, avalées par la Méditerranée et que nul ne semblait vouloir chercher. Or, on avait déjà ramassé quelques dizaines de leurs compatriotes qui flottaient à la surface. On n’allait pas, en plus, plonger vers leurs tombeaux. Alors nous avons sorti les migrants de notre monde, à peine leurs cadavres y avaient pénétré.


J’ai lu quelque part qu’on avait demandé aux migrants survivants qui sont parqués dans un camp en Grèce de ne pas parler. Ils ne devaient surtout pas nous dire que leur bateau avait coulé, qu’un navire grec, venu très tard les aider, avait entrepris de les remorquer. Non, ce n’était pas une bonne histoire à raconter, que celle de l’abandon et de la négligence criminelle. Pas une bonne histoire, ces migrants qu’on enferme dans une cale parce qu’ils n’ont pas payé les passeurs pour avoir le droit d’être au soleil. Or, ça ne vaut pas les sous-marins et ses héros, donc un entre eux était lui-même Pakistanais, comme la plupart des noyés de la Méditerranée.


Cette fois, l’injustice a été trop flagrante et plaisanterie du destin, les deux évènements se sont presque croisés sur l’agenda.


Afin de donner une espèce d’équité, j’ai décidé de ne pas nommer les passagers du sous-marin, ni même de donner leurs nombres, ni même de nommer leur engin, puisque c’est ainsi que nous traitons systématiquement les migrants noyés, qu’ils viennent d’Égypte, de Syrie, du Sénégal, de Pakistan, de Somalie ou d’Afghanistan. Nous n’entendons jamais leurs noms, ni leurs vies, ni les cris, qui étouffent dans un navire qui, lui, ne sera jamais célèbre. Jamais James Cameron ne le filmera pour le rendre immortel et immortaliser notre honte. Alors si tous les vices nous valent, je préfère faire silence.


Donc j’ai décidé d’arrêter de lire des articles sur les pauvres sous-marins, j’ai préféré essayer d’aller trouver quelques morceaux de vies des migrants oubliés. J’ai aussi vu dans un reportage que des journaux ont publié des piétas pakistanaises, des femmes de la ville de Bandli d’où venaient certains des noyés de Méditerranée. L’une d’elles s’appelle Tasleem, son fils se nommait Akash Gulzar. Il est mort, il avait 20 ans, il lui avait parlé au téléphone lorsqu’il était sur le bateau. Elle a raconté que sa voix s’était éteinte, petit à petit. Pouvons-nous faire entendre les voix des autres ?


La nuit du 14 avril 1912 où le Titanic avait coulé, des hommes de l’équipage avaient empêché les passagers de la troisième classe de se ruer vers les canots de sauvetage, et donc vers la survie. Et le bilan du naufrage fut une fois de plus la lutte des classes. Le trois quarts des passagers de troisième classe (des migrants) périrent, mais plus de 60% de première classe survécurent.


Le texte fut basé sur la chronique superbement écrite par Claude Askolovich.


L’allégorie est curieuse. Je me demande juste, en analysant ces faits, serions-nous sarcastiques de nous dire que le monde va de mal en pis ? Ne serait-il pas plus réel de nous demander, que faisons-nous pour qu’il aille mieux ?


Le changement climatique constitue un facteur de migration de plus en plus puissant qui pourrait contraindre, d’ici à 2050, quelque 216 millions de personnes dans le monde en développement à migrer à l’intérieur de leur pays. Des foyers de migration climatique interne pourraient apparaître dès 2030 et s’accroître progressivement jusqu’en 2050.


À l’horizon 2050, l’Afrique subsaharienne pourrait enregistrer jusqu’à 86 millions de migrants climatiques internes ; l’Asie de l’Est et le Pacifique, 49 millions ; l’Asie du Sud, 40 millions ; l’Afrique du Nord, 19 millions ; l’Amérique latine, 17 millions ; et l’Europe de l’Est et Asie centrale, 5 millions.


Que ferons-nous ? Combien de vies périront ?


J’aurais tendance à défendre le discours : agissons pour diminuer cet impact. Mais force de constater que nous perdons du temps, le nécessaire est difficilement atteignable  et la société n’est pas prête. Alors la question se pose : comment survivre à ces évènements. À chacun de se poser la question. Combien vaut une vie ?

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