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Croissance partagée

Dernière mise à jour : 23 août 2023


Communauté Mainland Zanzibar - Projet d'ouverture d'ONG de formation et éducation des femmes



🎙️ La décroissance a-t-elle un avenir économique? de Xavier Martinet par Le journal de l'éco 🔊 L’entretien date de septembre 2020.


Nous sortions d’une période très compliquée. Différentes vagues de Covid 19, des confinements violents et inattendus, une crise sociale majeure et des décideurs économiques qui tentaient de retrouver au plus vite une croissance perdue. Dans ce contexte, des petites voix commençaient à s’interroger sur cette « croissance » nécessaire.

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai vécu cette expérience. Fan de mode, avec des placards remplis de vêtements devenus inutiles, je me suis posée énormément de questions sur le “besoin” et sur le “réel”.


Je ne tiendrai pas un discours cynique du genre : « j’ai toujours été minimaliste ». Ce serait un mensonge. Le chemin à parcourir a été long et il l’est encore. Ce ne fut pas inné mais, chaque jour, je soumets mes certitudes à de profondes remises en question.

J’ai la chance incroyable d’être née en plein cœur de la forêt Amazonienne. Cette forêt qui, dès que je la retrouve, me rappelle la force incroyable de la Terre et de son besoin vital qui est nécessaire à notre survie.

Durant les confinements, en plein cœur du XVIᵉ arrondissement de Paris, et du haut de mon dernier étage, j'entendais pour la première fois, depuis très longtemps, le chant des oiseaux. Munis d’une attestation de déplacement dérogatoire, nous avions le droit de sortir une fois par jour dans un rayon de 1 km… Cela m’est absolument pas nostalgique. À ce moment-là, en bord de Seine, nous pouvions apercevoir beaucoup d’animaux comme des canards sauvages, des aigrettes, des abeilles, des papillons, etc… Ces signaux ne doivent pas être négligés.

En sortant du confinement, tout ça semblait derrière nous, désormais.

Dès que cela fut possible, la vie a repris son cours comme avant la crise. Magasins low cost ouverts, terrasses bondées, tout nous poussait à une consommation excessive, du matériel, de nous, de l’autre. Comme une certaine urgence de vivre. Comme si le monde allait finir demain. Et c’est sans doute le cas. « Pourquoi devrions-nous nous soucier de la postérité ? disait Marx (non pas Karl, mais Groucho). Est-ce que la postérité s’est préoccupée de moi ? ».


Effectivement, on pourrait penser que l’avenir ne vaut pas le coup que l’on se tracasse pour s’assurer qu’il advienne et qu’il vaut mieux en finir au plus vite avec le pétrole et les ressources naturelles plutôt que de s’empoisonner l’existence en se rationnant. Ce point de vue est assez répandu parmi l’élite, et on le comprend, mais on le trouve aussi très implicitement chez un grand nombre de nos compatriotes.


Ou alors, comme l’écrit Nicholas Georgescu-Roegen : « Peut-être, le destin de l’homme est-il d’avoir une vie brève, mais fiévreuse, excitante et extravagante plutôt qu’une longue existence, végétative et monotone ». Certes, encore faudrait-il que la vie des sur-consommateurs modernes soit vraiment excitante et que, a contrario, la sobriété, soit incompatible avec le bonheur et même une certaine exubérance joyeuse.


Et puis même… Comme le dit si bien Richard Heinberg : « Ce fut une fête formidable. La plupart d’entre nous, du moins ceux ayant vécu dans les pays industrialisés, n’ont pas connu la faim, ont apprécié l’eau chaude et froide au robinet, les machines à portée de mains permettant de nous déplacer rapidement et pratiquement sans effort d’un endroit à l’autre, ou encore d’autres machines pour laver nos vêtements, nous divertir et nous informer, ainsi de suite ».


Et après ? Aujourd’hui, alors que nous avons épuisé la dot patrimoniale, « devons-nous continuer à nous complaire jusqu’à la triste fin, et entraîner l’essentiel du reste du monde dans la chute ? Ou alors faut-il reconnaître que la fête est finie, nettoyer après nous et préparer les lieux pour ceux qui viendront ensuite ? ».


On peut aussi justifier l’incurie du futur par toutes sortes de raisons qui ne seraient pas forcément égoïstes. Si on pense, comme Schopenhauer et plus encore Cioran, que la vie est une affaire qui ne couvre pas ses frais, c’est presque une forme d’altruisme que d’épargner les générations futures. Et soyons réalistes, la nôtre également.

La question n’est pas de choisir entre la croissance et la décroissance, mais plutôt de choisir entre deux types de sociétés :

1. Aller vers une société simplifiée en réduisant nos besoins;

2. Partir d’une société complexe (comme celle que nous avons actuellement) pour être capable d’introduire une certaine forme de sobriété. Une croissance et une décroissance collective qui reviendrait à choisir, à l’échelle mondiale, les sociétés les plus ou moins nécessiteuses. Cela consisterait, par exemple, à supprimer certains actifs industriels considérés comme toxiques.


L’équation de l’économiste japonais Yoichi Kayak, largement commenté par Jacovici, qui se décompose en 4 facteurs d’émission de carbone, est très intéressante, comme tant d’autres. Le problème c’est que deux d’entre eux sont des facteurs humains : la richesse par tête et le nombre de têtes. Ce n’est pas la faute de Kayak, bien sûr.

Quant au lexique décroissantiste, il est riche. Un peu trop peut-être, car il créer de la confusion et peu d’opérations, faisant flâner un relent de scepticisme douteux de notre société en jouissance exploratrice de ressources.


Depuis des décennies, et surtout ces dernières années, de sérieuses recherches ont été menées sur ce qu'est la décroissance et comment l'intégrer dans nos systèmes de la manière la moins impactante. Ces études visent à répondre à la question soulevée par notre Ministre Olivier Dussopt, hier, lors d’une interview :

Comment faire les choses différemment tout en minimisant l'impact sur les plus pauvres ?

L’objectif n’est pas de supprimer les marchés, mais d’introduire de nouvelles règles concernant la pollution, l’allocation universelle, le plafonnement de revenus, la réduction du temps de travail comme seul moyen de réduire le chômage d’une société qui change si l’on ramène la production à des taux fortement recommandés comme il y a 40 ans. Ces travaux portent aussi sur le rôle des entreprises, la résolution d’un recueil méthodologique majeur. Comment tenir compte des éléments non statistiques, des échanges non monétaires, des échanges gratuits ? Enfin, les études actuelles jettent un regard attentif sur la société de consommation standardisée, sur notre liberté de choix, et sur un regard sociologique : la quête du sens.

Eclairée par la recherche, la réponse au Ministre du Travail se dessine chaque jour. Il suffit juste de l’accepter comme un nouveau modèle. Ce n’est pas simple. Il est difficile de suivre une ligne sans savoir où elle nous mènera en cas d’erreurs stratégiques ou de méthode. Le problème, c’est qu’avec le modèle actuel, tel qu’il est, nous savons exactement où cela nous mènera.




PS : ces photos sont personnelles. C'est bien la première fois que je les publie, et je vous avoue que cela m’est difficile car ce n'est pas dans mes habitudes de me livrer ainsi. Cependant, ces images me ramènent à la réalité, à un profond besoin de justice sociale, d'équilibre des richesses et d'égalité des chances. Les clichés ont été pris à la Communauté Mainland - Tanzanie - une communauté aux mille et une fractures.

À environ une quarantaine de miles d’ici, se dessine un territoire exposé aux tourments d'un pays manifestement délaissé par Dieu et à l’insuffisance des appétits conquérants de ses voisins du Nord. Une région pauvre, ravagée par la malaria, les catastrophes naturelles, les conditions climatiques extrêmes et qui aurait grandement besoin de démocratie.


Avec une moyenne d’âge de 18 ans, les enfants tanzaniens représentent une grande majorité de la population qui fait face à d’énormes défis et qui est directement touchée par la pauvreté et par les violations des droits fondamentaux des enfants comme, par exemple, le droit à l’éducation. Avec un indice négatif de 6.9/10 de la violation des droits de l'enfant, le taux de mortalité des moins de 5 ans est de 53%, et ces chiffres ne prennent pas en compte le taux d'orphelinat.

Avant 2010, sur la belle Ile de Zanzibar, seulement 16% des naissances étaient enregistrées et seulement 8 % des enfants disposaient d’un acte de naissance (UNICEF, 2013). Cependant, entre 2010 et 2015, seuls 26% des enfants de moins de 5 ans étaient partiellement enregistrés (WOOD, 2019). Selon une étude de l’OMS, réalisée dans plusieurs pays, concernant la santé des femmes et les violences domestiques, 11% des femmes déclarent avoir subi des violences sexuelles avant l’âge de 15 ans (OMS, 2005) ; on sait bien que ces chiffres sont loin de refléter la réalité. En ce qui concerne la maltraitance et les abus subis pendant l’enfance, l’absence de définitions cohérentes et de mesures est propre à la Tanzanie, ce qui réduit la capacité des acteurs concernés à élaborer des politiques plus éclairées. C’est la face cachée de ce pays, la partie immergée de l’iceberg.

99% des enfants du pays n'auront jamais l'opportunité de voir autre chose. Pourtant, en Europe, 78% des moins de 18 ans ont une envie d'ailleurs comme des « jeunes conquistadores » en quête des nouveaux territoires. Aux dépens de qui ? Quel impact ? Quand ? Pourquoi ? Ce discours est difficile à tenir sans prendre le risque d’être qualifié d’ingénue. Cependant, pourquoi devrais-je être gênée de considérer l’autre comme un être humain ? De comprendre que les pays les plus impactés pour la surconsommation en Europe sont les pays les moins développés ? Pourquoi devrais-je avoir honte de dire que je trouve inacceptable que nous continuions d'explorer nos ressources sans nous soucier des conséquences ?

Bien entendu, les problèmes qui surgissent dans différents pays ont des causes géopolitiques et intérieures transcendantes.

Certains diront, également, qu’acheter moins de vêtements, se priver de sorties, d’alcool et de voyages, ne changera en rien la vie de ces enfants.

D’autres rajouteront, qu’ils ne comprendront pas le lien entre mes propos.

- Pourtant, ils sont clairs ! Répondrais-je à certains.

- Sans doute ! Dirais-je à d’autres.


Mais je fais référence à la perception de notre place dans ce monde, à notre impact, notre influence, nos actions et surtout nos inactions.

Et pourtant, si mon budget vestimentaire se transforme en donations régulières à des ONG en action locale, si j'accepte de changer mon mode d'alimentation ainsi que mon mode de transport, si je m’oblige à prendre l'avion seulement une fois tous les 5 ans et que je m’engage à voyager, en Europe, uniquement en train (C’est génial, je vous assure !), si je décide d’utiliser ma capacité intellectuelle pour créer de la valeur éducative et sociale, si je change, alors là, oui, sans doute que ma démarche aura un impact.

PS : Si ces images vous semblent décalées, regardez-les d’un peu plus près : 44% des personnes, en France, vivent en dessous du seuil de pauvreté.


Ladite décroissance n’est pas un monstre qui nous laisserait appauvris et miséreux, mais un système d’équilibre qui permettrait aux personnes qui le sont déjà de s’en sortir comme gage de nos engagements collectifs.

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