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Europe : Entre défis géopolitiques et transition stratégique vers un avenir durable

Les rapports de force évoluent sans que nous ayons pleinement la compréhension ni les éléments nécessaires pour nous défendre. Sur le plan des ressources, l’Europe se montre dépendante ; 57 % de l'énergie consommée en Europe est importée, ce qui fragilise sa souveraineté énergétique. Parallèlement, l’innovation technologique accuse un retard manifeste. Le monde connaît une croissance fulgurante de l’Asie, et la guerre en Eurasie révèle des alliances à peine dissimulées.

 

L’Europe a bénéficié d’un environnement favorable pendant un certain temps, lorsque les relations bilatérales et la diplomatie multilatérale fonctionnaient dans un monde géopolitiquement stable. Sous la protection nord-américaine, nous progressions sereinement, négligeant notre budget de défense, croyant que la guerre appartenait au passé, tandis que d'autres puissances investissaient massivement dans leur armement. Aujourd’hui, la stabilité géopolitique semble révolue, exposant notre vulnérabilité et notre naïveté. L’ascension rapide de la Chine, notamment dans la technologie, est frappante : ce pays est désormais le leader des marchés des voitures électriques, de l’IA, des batteries et du photovoltaïque. Ses alliances avec les pays fournisseurs de matières premières sont remarquables, son rapprochement avec l’Arabie saoudite, qui ambitionne de devenir le centre mondial de l’énergie solaire, pose également des défis majeurs.

 

L’Europe semble seule à croire en son plan de paix. Parler de guerre paraît insensé, même dans certains cercles scientifiques, et c’est compréhensible au regard de notre passé marqué par des conflits et des valeurs pacifistes. Cependant, affronter la réalité sera notre seul moyen de sortir de cette impasse. Le contexte géopolitique menace également nos objectifs de réduction des émissions de carbone. Il semble impossible de lutter contre la puissance eurasiatique et l'union des BRICS, bien que cette alliance puisse être fragile à long terme. Nous devons faire preuve de pragmatisme économique et géopolitique pour assurer notre existence dans ce contexte.

 

Pour rivaliser avec cette puissance technologique, il nous faut une force économique que nous devons encore construire. Pour rattraper ce retard, l'Europe doit renforcer sa recherche et développement (R&D), augmenter les investissements publics et encourager les partenariats public-privé dans les technologies de rupture. Ces investissements seraient essentiels non seulement pour l’autonomie énergétique, mais aussi pour la création de nouveaux marchés technologiques à haute valeur ajoutée – l’économie verte, par exemple.

 

Le réchauffement climatique et ses conséquences sont une certitude. Dans ce contexte, alors que d'autres puissances (Brésil, Inde, Russie, Chine) accordent peu d'importance à cette question, l’Europe peux devenir le leader d’un projet vert et investir massivement dans les technologies écologiques de demain. Cependant, la transition écologique ne pourra se faire sans garantir une sécurité collective qui préserve nos ressources stratégiques. Cette double exigence nécessite une coordination entre nos ambitions environnementales et nos priorités en matière de défense. Bien que nous manquions de ressources financières, nous devons concentrer nos investissements sur des secteurs clés pour obtenir des résultats solides. Toute notre stratégie d’investissement devrait se focaliser sur l’innovation en matière de gestion de la crise climatique et environnementale.

 

Le contexte exige de nous des décisions stratégiques majeures : nous ne pouvons pas être simultanément leaders dans le social, l’innovation, l’intelligence artificielle et les projets écologiques de demain. Il nous faudra faire des choix cohérents et nous positionner en tant que leaders dans un domaine spécifique et ambitieux. Pour numériser et décarboner notre économie tout en augmentant notre capacité de défense, les investissements européens doivent croître d’environ cinq points de pourcentage du PIB, atteignant des niveaux comparables à ceux des années 1960-1970. Ce défi est monumental. À titre de comparaison, le plan Marshall représentait 1 à 2 % du PIB par an entre 1948 et 1951.

 

C’est un défi existentiel que nous devons relever. Nous avons les compétences intellectuelles pour mener ce changement, toutefois, il faudra communiquer de manière transparente sur la gravité de la situation et nos besoins. Il ne s'agit pas de culpabiliser, le jour viendra d'évaluer l'action des acteurs politiques, à ce jour, il nous faut assumer la réalité et d'investir de manière responsable. L’Europe doit oser, à l’image des États-Unis et de la Chine, investir rapidement dans les nouvelles technologies, tout en développant des partenariats internationaux. L’Europe doit changer de cap en urgence. Il ne s’agit plus seulement de préserver notre modèle, mais de garantir notre survie. Nous devons dépasser les barrières nationales et adopter une vision commune, européenne, pour survivre dans ce contexte de crise. L’objectif est clair : une union industrielle européenne et une industrie de décarbonisation commune.

 

Enfin, la sécurité est essentielle pour un avenir sûr. Augmenter le budget de la défense et préparer la France à une économie de guerre n'est plus une option, mais une nécessité. La puissance d’un pays ne réside plus uniquement dans son arsenal nucléaire. La France, en tant que parapluie nucléaire de l’Europe, doit maintenir sa force pour éviter l’affaiblissement de l’Europe entière. Pour répondre à ces enjeux, il est crucial d'augmenter le budget de la défense, en visant un objectif de 2,5 % du PIB. Une approche européenne coordonnée dans ce domaine garantirait une sécurité collective plus efficace et renforcerait l’indépendance stratégique vis-à-vis des autres puissances mondiales.

 

Ce tournant stratégique nécessite des mesures courageuses, notamment une révision fiscale avec une augmentation d’impôts pour certaines catégories et des allègements pour les entreprises innovantes dans le domaine que nous aurons choisi comme prioritaire. Communiquer ce message à une population fragilisée est complexe, mais l’histoire européenne montre que des crises ont déjà été surmontées grâce à des décisions audacieuses et stratégiques.

 

Le contexte géopolitique et économique actuel exige des décisions rapides et concertées pour garantir un avenir durable et prospère pour les générations futures.

Julia AGARD ©

 
 
 

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