Key words : women, children, children's rights, women's rights, climate change, poverty
Mots clés : women, enfant, droits d'enfants, droits des femmes, changement climatique, pauvreté
Crédit d'images: Pexels by Shelagh Murphy
Jamais, depuis des décennies, le monde n’aura connu autant de catastrophes naturelles aussi dévastatrices. Face à ce contexte, le changement climatique « n’est pas neutre du point de vue du genre ». Les catastrophes liées au réchauffement climatique mettent non seulement la vie des filles en danger, mais aussi, lorsqu’elles survivent, leur avenir.
Le réchauffement développe de graves injustices sociales et intergénérationnelles : d’après les résultats du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), il est indéniable que les populations qui sont déjà les plus précaires et les plus marginalisées seront les plus touchées. Les filles et les jeunes femmes les plus vulnérables sont les plus affectées par les conséquences du changement climatique et n’ont pas accès aux informations et aux ressources nécessaires pour faire face aux crises écologiques. Ces conséquences touchent les domaines de l’éducation, de l’émancipation, des violences et de la santé.
Il est incontestable que les femmes sont plus vulnérables que les hommes, en grande partie parce qu’elles représentent la majorité des personnes précaires dans le monde et dépendent davantage des ressources naturelles menacées. La différence entre les hommes et les femmes est également notable en ce qui concerne leurs rôles, leurs responsabilités, leur prise de décisions, leur accès à la terre et aux ressources naturelles, leurs opportunités et leurs besoins.
En période de crise, les filles sont souvent les premières à devoir abandonner l’école pour aider leur famille à gagner de l’argent, à participer aux tâches ménagères ou à s’occuper de leurs fratries. Privées d’école, elles sont alors moins informées sur le changement climatique, sur la manière de gérer ses effets, sur leurs conditions et droits. Sans possibilité de se construire un avenir, ce sont des générations entières qui sont sacrifiées. Lorsque les revenus des familles sont menacés, le mariage des enfants peut être considéré comme un moyen de survivre.
Pendant et après des crises climatiques extrêmes, les filles courent un risque accru de violence et d’exploitation, y compris de sévices sexuels et physiques, et de traite. Ces risques peuvent se décupler lors des collectes de nourriture, d’eau et de bois, ou lors de séjour dans des refuges temporaires. Une étude récemment publiée sur le Sage Journal (1) démontre que :
« Le dérèglement climatique pourrait avoir des effets en cascade peu escomptés. L’augmentation des événements extrêmes qu’il cause est liée à la hausse des mariages précoces et forcés de jeunes filles. Ce travail, mené par des chercheurs de l’Ohio State University (États-Unis), a rassemblé une vingtaine d’enquêtes conduites entre 1990 et 2022 dans des pays en voie de développement en Afrique et en Asie du Sud, comme l’Inde ou le Bangladesh. Ces investigations associent inondations, sécheresses, cyclones ou appauvrissement des sols et taux de mariages d’enfants précoces et forcés. Au Bangladesh, les années où une vague de chaleur a duré plus de trente jours, le nombre de mariages de filles de 11 à 14 ans a augmenté de 50 %. « Par exemple, dans certaines parties de l’Éthiopie, comme la région d’Oromia, le mariage forcé a augmenté en moyenne de 119 % en 2022 durant la sécheresse la plus grave que le pays ait connue depuis quarante ans », illustre Violaine Gagnet, directrice des programmes de l’ONG Plan international.
Selon l’Unicef, 640 millions de femmes actuellement vivantes dans le monde ont été mariées alors qu’elles étaient mineures. « Il y a quand même quelques évolutions, note Violaine Gagnet. En 2010, une fille sur quatre, âgée de 20 à 24 ans, dans le monde, avait été mariée avant ses 18 ans. En 2020, on est sur une fille sur cinq. Évidemment, il faut noter de fortes disparités entre les régions, en Afrique subsaharienne, par exemple, la situation empire. » » (2).
Dans les camps de déplacés du nord de la Syrie, des filles parfois âgées de moins de 14 ans sont contraintes de suivre des traitements hormonaux vendus sans ordonnance pour déclencher leur cycle menstruel de manière précoce. Ces prises d’hormones périlleuses sont souvent imposées par des pères pressés de marier leurs filles.
Le 29 juin 2020, le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) a souligné dans un communiqué de presse la nécessité de protéger les quelque 5,9 millions de filles et de femmes parmi les 12 millions de personnes qui ont besoin d’aide en Syrie, évoquant de “nouvelles formes de violence […] telles que la puberté forcée”.
D’après un reportage du journal Le courrier international basé sur des sources locales, il n’y a pas moins de dix cas par mois, la plupart concernant des orphelines ou des filles de familles pauvres. Dans toutes ces situations, il y a la volonté du père de marier sa fille le plus vite possible pour “alléger le fardeau financier” du foyer. Les témoignages révèlent également le rôle des mères qui exécutent les ordres de leur mari et vont chez le pharmacien jusqu’à rendre leur fille victime de leur appât du gain. Elles constituent ainsi le dernier chaînon d’un mécanisme socio-économique. L’administration de ces médicaments à un âge où le corps n’est pas physiologiquement prêt “peut entraîner une ménopause précoce, dès l’âge de trente-cinq ans”, et provoquer des cancers de l’utérus ou des ovaires, explique Kenaan Ziyadoglu, gynécologue obstétricien. (3)
Au-delà de ces cas extrêmes, certaines maladies peuvent davantage affecter les filles que les garçons si elles souffrent déjà de malnutrition ou d’un manque d’eau, en particulier pendant leurs règles ou si elles sont enceintes ou jeunes mères. La perturbation des services de santé due aux catastrophes augmente les grossesses non planifiées et les problèmes de santé sexuelle et reproductive.
En fin de compte, c’est tout un système de déséquilibre causé par la pauvreté, ayant comme source principale le dérèglement climatique qui diminue les chances d’accès au développement des sociétés dans sa globalité.
La vulnérabilité des femmes aux changements climatiques résulte de plusieurs facteurs sociaux, économiques et culturels. Sur le 1,3 milliard de personnes vivant dans des conditions de pauvreté, 70% sont des femmes. Dans les régions urbaines, 40% des ménages les plus pauvres ont une femme pour chef de famille. Alors que les femmes jouent un rôle clé dans la production alimentaire mondiale (50 à 80%), elles détiennent moins de 10% des terres. Au Proche-Orient, elles contribuent jusqu’à 50% à la main-d’œuvre agricole. Elles sont principalement assignées à des tâches à forte intensité de travail et nécessitant plus de temps qui sont exécutés manuellement ou avec de simples outils. En Amérique latine et aux Caraïbes, la population rurale a diminué depuis plusieurs décennies. Les femmes s’occupent essentiellement de l’agriculture de subsistance, en particulier de l’horticulture, de l’élevage de poulets et du petit élevage pour la consommation familiale. Dans des conditions climatiques extrêmes, comme les périodes de sécheresse et les inondations, elles tendent à travailler plus pour garantir leurs moyens de subsistance, ce qui leur laisse moins de temps pour se consacrer à leur formation et à leur éducation, au développement de leurs compétences ou pour percevoir un revenu.
Rajoutons à cela, le taux d’alphabétisation des pays en développement. Dans bon nombre de pays en développement, les inégalités existent dans de nombreux domaines, tels que les droits de l’Homme, les droits politiques et économiques, les droits à la propriété foncière, les conditions d’habitation, la violence, l’éducation et la santé. Les changements climatiques seront un facteur supplémentaire de stress qui aggraveront leur vulnérabilité. Par ailleurs, on sait que les conflits favorisent l’intimidation sexuelle, la violence familiale, la traite des personnes et les viols.
Face à ces données, la responsabilité de tout un chacun devra se manifester. Une sorte de culpabilité de notre impact individuel et une pression importante sur les entreprises et sur l’État pour des actions fortes. En Europe, le sujet de l’impact du changement climatique est courant malgré des actions encore faibles. Il s’avère que sur d’autres zones à fort impact et dont le pouvoir économique est très important, ce sujet est encore faiblement abordé.
Les initiatives d’adaptation devraient comprendre l’identification des impacts sexospécifiques des changements climatiques et la mise en place de mesures pour y répondre, dans les domaines liés à l’eau, à la sécurité alimentaire, à l’agriculture, à l’énergie, à la santé, à la gestion des catastrophes et aux conflits. Il importe également de prendre en compte les questions sexospécifiques importantes liées à l’accès aux ressources, notamment le crédit, les services de vulgarisation et la formation, l’information et la technologie. Sans ignorer SURTOUT l’éducation, l’accès à l’information et la libre parole des victimes.
Sources:
1.Sage Journal : Association between child, early, and forced marriage and extreme weather events: A mixed-methods systematic review
2.Le Monde : L’impact insoupçonné des événements climatiques extrêmes sur les mariages forcés
3. Courrier International : “Puberté forcée” : en Syrie, pour marier sa fille, on provoque sa menstruation
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