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Les impacts de la déforestation de l'Amazonie

L'action est à portée de main et constitue une obligation pour tous : société civile, États, et entreprises

Image source: Pexels open source - Tom Firsk


"Si quelqu'un m'avait dit, il y a trente ans, qu'il faudrait planter des arbres en Amazonie, j'aurais ri. Et si quelqu'un avait évoqué la possibilité d'y manquer d'eau, j'aurais pensé que c'était de la folie... Et pourtant...”

Dès 2010, les alertes des environnementalistes se sont intensifiées. L'impact direct de la déforestation du poumon du monde devient chaque jour plus palpable, non seulement dans les villages de la forêt amazonienne, mais également dans les grandes villes comme la capitale, où les saisons sèches de la plus grande rivière du monde sont désormais visibles et inquiétantes.


Les répercussions de la déforestation sont multiples et graves, car la forêt amazonienne fournit de nombreux services essentiels, tels que la sécurité alimentaire, le stockage du carbone, l'eau, les sols et la biodiversité. L'impact sur le climat, la biodiversité et les populations locales est indiscutable. La forêt soutient les moyens de subsistance des populations autochtones tout en influençant la qualité de l'eau qu'elles utilisent. En 2023, une sécheresse historique a frappé la région, suscitant une grande inquiétude. Les images d'une rivière asséchée et de milliers de poissons gisant le long des rives illustrent la réalité d'un avenir sombre qui se dessine.


La lutte de l'UE contre la déforestation importée devrait constituer une dimension importante de son action de solidarité internationale et de sa lutte contre la pauvreté et les inégalités dans le monde. Mais à quelle échéance ? En effet, les populations autochtones et les habitants des rives du fleuve (les ribeirinhos) sont vulnérables socialement, économiquement et environnementale, et cette vulnérabilité est accentuée par la déforestation.


La forêt est le habitat traditionnel de nombreuses populations autochtones en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud. Ces communautés ont toujours tiré leurs moyens de subsistance de la forêt sans compromettre son équilibre écologique, grâce à leur mode de vie frugal. Cependant, le changement climatique rend leur environnement naturel de plus en plus hostile, et ces peuples sont également ciblés par des lobbies politico-économiques cherchant à s'approprier leurs terres. Je me souviens avoir discuté avec une communauté dans le sud-ouest du Brésil, au Paraná, qui m'a confié leur harcèlement pour des sommes dérisoires, avec des pressions physiques également rapportées.


Les délégations de leaders autochtones d'Amazonie entreprennent des tournées européennes pour sensibiliser les États membres de l'UE aux ravages de la déforestation et à la montée des violences contre les populations autochtones au Brésil. Ils appellent à l'aide, convaincus que la corruption dans la gestion locale des terres (organismes, avocats, juristes, etc.) aggrave leur situation. Le climato-scepticisme persistant de la droite brésilienne, malgré l'arrivée de Lula, a favorisé l'exploitation de la forêt amazonienne à des fins agro industrielles et a intensifié les actions visant à expulser les populations autochtones. Le nouveau Président et sa ministre de l’Écologie peinent à faire des progrès dans ce contexte.


Les chiffres présentés par le président montrent une amélioration, mais les populations locales ont du mal à ressentir ces changements. La situation est telle qu'une légère amélioration n'est pas source de grande joie. Environ 250 millions de personnes issues des populations autochtones dans le monde vivent avec moins d'un euro par jour, donc dans une grande vulnérabilité. La situation en Amazonie brésilienne n'est pas différente.


Il est également important de rappeler que 25 % de la population mondiale tire ses subsistances et revenus de la forêt, soit 1,8 milliard de personnes. Cela inclut non seulement les 820 millions de personnes vivant dans les forêts tropicales et les environs, mais aussi celles qui tirent des revenus de la forêt (secteurs du bois, exploitation minière, autres cultures, etc.).


Dans ce contexte, la défaillance des États en matière de gouvernance ou la mainmise de la criminalité organisée sur certaines régions peut encore accroître la vulnérabilité des populations locales. De nombreux petits cultivateurs dans les pays du Sud, dans un rapport de force déséquilibré et privés de l’appui de gouvernements défaillants ou corrompus, dépendent souvent de grands négoces pour vendre leur production.


Les femmes autochtones amazoniennes jouent souvent un rôle central dans la gestion des activités liées à la forêt. La déforestation engendre la pauvreté et souvent le déplacement des populations, rompant leurs modes de vie traditionnels. À cela s'ajoute l'ignorance, le manque d'accès à l'éducation et d'autres défis, ce qui met ces femmes en danger, les rendant les premières victimes de ce système.



C’est tout un écosystème en danger et les femmes sont les premières victimes de la déforestation. 


Les femmes sont particulièrement exposées aux conséquences de la déforestation. Les rôles qu’elles jouent au sein des communautés amazoniennes reposent souvent sur l'exploitation des ressources forestières : agriculture de subsistance, cueillette de fruits et de fleurs sauvages, et parfois même la chasse. Elles sont souvent détentrices de savoir-faire traditionnels liés à la forêt, tels que la récolte et l’usage de plantes médicinales. Les "curanderas" — ces guérisseuses qui soignent en utilisant le savoir de la forêt, de l’accouchement au traitement de maladies considérées comme incurables par la science moderne — se retrouvent sans ressources face à la déforestation. De plus, l'isolement de ces communautés, dépendantes du transport fluvial et mal desservies par les réseaux téléphoniques et 4G, rend difficile toute réponse rapide aux besoins urgents.


Dans les zones touchées par la déforestation, les femmes peuvent ainsi être privées de leurs rôles et moyens de subsistance traditionnels. Elles sont alors contraintes de s’intégrer dans une économie où elles sont exposées à des situations de précarité extrême, en raison des faibles salaires proposés et des pressions qu’elles peuvent subir, telles que les violences sexuelles, la précarité liée à l’emploi, et le manque d’accès aux régions plus développées. C’est pourquoi les femmes sont souvent en première ligne dans les mouvements contre la déforestation. Certaines associations, telles que la Waorani Women’s Association ou la Sapara Ashiwaka Women’s Association en Équateur, revendiquent spécifiquement cette dimension féminine de leur lutte.


Les forêts jouent un rôle crucial dans la régulation du climat, notamment par leur capacité à stocker le carbone, mais aussi par leur influence sur la qualité des sols et de l’eau. La forêt "naturelle", en particulier les forêts tropicales, les mangroves et la taïga, rend bien plus de services écosytémiques que les forêts plantées ou secondaires. Cette déforestation alarmante qui met en danger la vie des communautés autochtones à travers le monde a un impact direct sur nous et représente également une menace mortelle pour notre espèce.


Ce n’est pas seulement dû à la diminution du contrôle du carbone, mais aussi à l’augmentation des zoonoses. Le COVID-19 nous l’a montré, et le Mpox a confirmé sans appel que nous sommes entrés dans l'ère des zoonoses, en partie à cause de la déforestation. L'empiètement croissant de la population humaine sur les habitats naturels des animaux sauvages porteurs de virus augmente les cas de zoonoses comme le Mpox et la COVID-19. On peut également citer Ebola, dont la propagation a été aggravée par la déforestation, ou encore la grippe aviaire, dont la transmission du H5N1 à l’humain a été rendue possible par l’élevage intensif. La communauté scientifique alerte sur cette déforestation incontrôlée depuis des décennies, mais des pays comme le Brésil — qui abrite la plus grande forêt du monde — semblent encore ignorer l'importance d'un changement de modèle. Le manque de position forte du Brésil à ce sujet, ainsi que les discours (non officiels mais révélateurs de la mentalité locale), devraient sonner l’alarme pour la communauté internationale. La question est de savoir comment se positionner en interne sur ce sujet, et comment agir avec la communauté internationale pour faire pression et obtenir des actions concrètes.


La communauté internationale, y compris l'Union européenne (UE), joue un rôle non négligeable dans cette situation, ce qui confère au sujet une dimension géopolitique importante (élevage, filière bois, cultures, exploitations minières, grands projets d’infrastructures, etc.). La majeure partie de ces terres déforestées est convertie en terres agricoles où sont cultivées des denrées destinées à l’exportation, un processus qui alimente le phénomène de "déforestation importée". La Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI), adoptée par la France en 2018, définit ainsi la déforestation importée comme "l'importation de matières premières ou de produits transformés dont la production a contribué, directement ou indirectement, à la déforestation, à la dégradation des forêts ou à la conversion d'écosystèmes naturels en dehors du territoire national." Il est néanmoins important de rappeler que la majeure partie des produits issus de la déforestation est consommée localement. À ce jour, l'Union européenne importe en moyenne 37 % de son soja chaque année. Nous sommes performants en matière de stratégie climatique, mais comment justifier le cynisme qui consiste à polluer ailleurs, comme si les conséquences du changement climatique étaient limitées par des frontières territoriales ?


Lors de la visite d'État au Brésil du président Macron en avril 2024, lors du Forum économique, le modèle des accords internationaux (Mercosur) a été remis en question par une intervention audacieuse, qui a bien sûr suscité des critiques de la part de la classe politique locale, laquelle semble ne pas saisir toute la dimension de l’enjeu. En effet, il est profondément ancré dans la culture brésilienne que le "business for first and at all". Dans ce contexte, il est clair que la politique menée par la brillante ministre de l’Environnement brésilien, Marina Silva, passe au second plan. Considérant l’ampleur de l’enjeu, il appartient à la politique internationale d’exercer une pression pour modifier cette approche, bien que beaucoup soit déjà en cours:

  • La coopération se développe selon les trois axes « éviter-réduire-compenser », avec un soutien financier et technique. Le plan d’action FLEGT (Forest Law Enforcement, Governance & Trade, 2005) propose aux pays producteurs de bois, partenaires commerciaux de l’UE, des accords de partenariat volontaire (APV) pour les aider à mettre en place des systèmes nationaux de vérification de la légalité et de la traçabilité du bois.

  • La compensation se fait par le paiement de services écosytémiques liés aux bénéfices apportés par l’environnement.

  • L'UE s’efforce de renforcer la cohérence de ses politiques, de réformer les filières économiques à risque de déforestation importée, et de renforcer la coopération avec les États tiers producteurs ainsi qu'avec les acteurs locaux.

  • L'UE s'engage pour la neutralité carbone d'ici 2050, la fourniture d’énergie propre, abordable et sûre, la mise en place d’un système alimentaire juste, sain et respectueux de l’environnement, ainsi que la préservation et le rétablissement des écosystèmes et de la biodiversité.

  • Des investissements publics et privés dans tous les secteurs concernés sont prévus pour atteindre les objectifs du Pacte vert européen. Un Plan d'investissement pour une Europe durable est en cours d'adoption.

  • L'UE prévoit une augmentation de la part du budget européen et des financements de la Banque européenne d'investissement (BEI) consacrés à la lutte contre le changement climatique. Un Fonds pour une transition juste, visant à assurer une mise en œuvre équitable et inclusive du Pacte vert, sera également créé. Le plan comprend aussi la mise en place d’une taxonomie destinée à distinguer les activités économiques écologiquement durables.

  • Les exigences imposées aux entreprises en matière d’information environnementale sont renforcées.

  • L'UE se positionne comme chef de file de la transition environnementale au niveau mondial, en renforçant sa diplomatie climatique et environnementale, notamment au niveau multilatéral (ONU, OMC, G7, G20) et avec les pays du G20, responsables de 80 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

  • L'objectif intermédiaire de réduction de 55 % des émissions de carbone de l’UE d'ici 2030 est intégré, et le budget européen est orienté vers des politiques plus compatibles avec le climat, avec des indicateurs précis, des cibles et un calendrier.

  • L'UE améliore l’étiquetage environnemental des produits en incluant toutes les matières premières à risque pour la forêt, même indirectement présentes dans les chaînes de production. Elle met également en place un mécanisme d’alerte précoce pour orienter progressivement les achats vers des zones d’approvisionnement certifiées.

  • Une réforme des modes d'élevage est encouragée, ainsi qu'une éducation sur les modes d'alimentation en complément de la taxe déjà en place.

  • L'UE promeut une réforme rapide de l'OMC pour rendre opposables les critères de développement durable dans les accords commerciaux internationaux qu’elle conclut. Il est un fait que le principe même du multilatéralisme a été bafoué à plusieurs reprises. Ces critères incluent le respect des normes internationales les plus exigeantes en matière de droits humains, de travail décent, de protection de l’environnement, et de lutte contre le réchauffement climatique.

  • L'UE identifie, évalue et réforme les subventions préjudiciables à la biodiversité au niveau national, et renforce les informations comparables à l’échelle internationale sur ces subventions, par exemple par le biais d’examens par les pairs.

  • L'UE promeut l’adoption d’une directive européenne sur le devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordres, sur le modèle de la loi française de 2017, qui oblige les entreprises à gérer et prévenir les risques tout au long de leur chaîne de valeur, tout en la rendant transparente.

  • L'UE améliore la qualité et la crédibilité des labels « zéro déforestation importée », en encourageant la convergence des outils de certification existants, en s'appuyant sur la cartographie de l'usage des sols par télédétection, et en renforçant les contrôles tout au long des filières.

  • L'UE porte dans les enceintes multilatérales et les dialogues bilatéraux un projet de Pacte mondial pour les forêts, associant toutes les parties prenantes.

  • L'UE interdit le système d’échange de crédits d’émissions.

  • Cependant, ces actions restent insuffisantes :

  • Les moyens financiers consacrés à la lutte contre la déforestation sont largement insuffisants : sur la période 2014-2020, la Commission européenne a engagé plus de 500 millions d'euros pour le soutien aux forêts dans les pays partenaires, alors que le secrétariat du Forum des Nations Unies sur les forêts évalue les besoins de financement pour la seule gestion durable des forêts entre 60 et 140 milliards d’euros par an dans le monde.

  • La gouvernance est faible dans les pays partenaires.

  • Concernant les financements privés (instruments de marché), d’autres dysfonctionnements sont à craindre, parmi lesquels : une capacité non démontrée à créer les incitations nécessaires, et des risques de distorsions sur les marchés du carbone, mis notamment en évidence lors des négociations de la COP.

Toutes ces actions se heurtent à des obstacles culturels et politiques locaux qui compliquent leur performance. En effet, les plus grandes forêts du monde se trouvent dans des régions où le niveau de corruption est historiquement élevé. De plus, aller au-delà des ses initiatives implique de s'attaquer à des questions de souveraineté territoriale, ce qui soulève des enjeux considérables. C’est précisément ici que notre responsabilité collective prend tout son sens.


L’Amazonie - Poumon de la planète en grave danger


L’actualité dramatique des incendies en Amazonie, qu’ils soient volontaires ou non, couplée aux politiques brésiliennes visant à ouvrir ce territoire à l’industrie agroalimentaire, a remis l’Amazonie au cœur des préoccupations environnementales mondiales.  Cependant, il ne faut pas oublier la réforme du Code forestier brésilien menée par la présidente Dilma Rousseff en 2012, qui a modifié le Code forestier et amnistié les défricheurs de la forêt amazonienne. La Haute Cour de justice n’a pas considéré en 2018 que cette réforme constituait une régression ou une violation de la Constitution.


L’Amazonie, souvent qualifiée de poumon de la planète, est partagée entre neuf États : 63 % de cette forêt se trouve au Brésil, 10 % au Pérou, 7 % en Colombie, 6 % en Bolivie, et la France en possède également une petite portion. Cette région est en théorie protégée par les droits nationaux et internationaux de l’environnement, à condition que les instruments existants soient effectivement appliqués. Pour ce faire, la volonté politique des États concernés et la pression continue des ONG sont indispensables, ces dernières devant utiliser les outils juridiques à leur disposition avec discernement.


En Colombie, la Cour suprême a, dans une perspective environnementale, accordé en 2018 la personnalité juridique à l’Amazonie colombienne. Cette décision a conduit à la convocation de 90 institutions colombiennes pour expliquer leurs actions en octobre 2019, soulignant l’importance des réserves indigènes et des parcs naturels, qui couvrent 80 % de l’Amazonie colombienne, dans la protection de la forêt. Le Brésil, qui abrite la majorité de l’Amazonie, a intégré dans sa Constitution de 1988 une protection spéciale de cette région, la qualifiant de patrimoine national. Selon la Constitution, les aires protégées et les territoires indigènes, représentant 48 % de l’Amazonie brésilienne, ne peuvent être modifiés ou supprimés que par la loi, empêchant ainsi le président de prendre des décisions unilatérales sans l’accord du Parlement. Et portant … 


Le droit international offre également des outils pour protéger l’Amazonie sans qu’il soit nécessaire de créer de nouveaux mécanismes. Des traités internationaux tels que la Convention sur la diversité biologique de 1992, la Convention sur la lutte contre la désertification de 1994, et la Convention de l’UNESCO de 1972 sur le patrimoine mondial, sont tous en vigueur et ratifiés par le Brésil. Même si les incendies font des ravages, ces régions ne sont pas perçues comme des patrimoines directement en danger à ce jour. Depuis 2000, avec une extension en 2003, six millions d’hectares de la forêt amazonienne sont sous la protection de l’UNESCO, impliquant un régime de protection national, des rapports et des inspections régulières, pouvant conduire au retrait de la liste internationale en cas de dégradation.


À l’échelle régionale, le Pacte amazonien, un traité signé en 1978 par huit États riverains de l’Amazone, constitue un autre instrument juridique en vigueur. Ce pacte, amendé en 1998 et géré par l’Organisation du traité de coopération amazonienne (OTCA), a adopté en 2010 un Agenda stratégique de coopération pour lutter contre le changement climatique, promouvoir le développement durable, et conserver les ressources naturelles, en harmonie avec l’Accord de Paris sur le climat et les Objectifs de développement durable 2030.


Sur le plan financier, de nombreuses ONG internationales soutiennent les populations indigènes en justice et financent des projets de conservation de la biodiversité. En 1991, le G7 et l’Union européenne ont approuvé un programme pilote pour la protection de la forêt tropicale brésilienne, géré par la Banque mondiale. Le projet GEF Amazonie, de 2011 à 2014, a alloué 52,2 millions de dollars à un programme de gestion environnementale du bassin amazonien.


La coopération franco-brésilienne, rendue possible par la présence de la forêt amazonienne en Guyane, offre également des opportunités d’actions conjointes. L’accord signé en 2005 par les présidents Chirac et Lula, et fortifié en 2024 concernant la construction du pont sur l’Oyapock à la frontière franco-brésilienne, en est un exemple. Ce pont, inauguré en 2017, prévoit des rencontres régulières à travers une commission mixte transfrontalière, qui pourrait devenir un lieu de négociations sur la protection de la forêt partagée. En 2024, 1 millard d'euros supplémentaires ont été accordés dans le but de proteger ses forets.


L’activation de ces différents outils devrait permettre une action concertée entre les États pour mieux préserver les ressources naturelles de l’Amazonie. Nous devons être plus ambitieux : mobiliser des experts hautement qualifiés sur ce sujet, engager des cabinets spécialisés et allouer les moyens nécessaires. Protéger l’Amazonie n’est pas seulement une question de droits de l'homme, notamment en ce qui concerne la protection des peuples autochtones, mais aussi un enjeu mondial compte tenu de l'importance écologique de ses terres. La question de la protection de l’Amazonie a trop longtemps été reléguée au second plan, ce qui témoigne d'une grande ignorance sur le sujet. Cette préoccupation s'applique non seulement à la forêt amazonienne, mais aussi à toutes les forêts mondiales.



Une idée pour encourager cette mobilisation serait de qualifier l’Amazonie de « patrimoine commun de l’humanité » — une proposition controversée mais intéressante. Ce statut impliquerait des normes de protection strictes et la désignation de responsables d’État pour chaque réserve, avec la menace de perdre leur mandat en cas de dégradation. Toutefois, un tel accord mondial semble pour l’instant inenvisageable, d’autant plus que ce statut juridique n’a jusqu’à présent été attribué qu’à des espaces ne relevant d’aucun État, tels que les fonds marins ou l’espace extra-atmosphérique.


Le pape François a exprimé son scepticisme face à l’internationalisation de l’Amazonie, considérant ce projet comme étant au service des intérêts économiques des multinationales. Il est également pertinent de noter que, historiquement, les accords internationaux ont souvent montré défaillance devant des intérêts précis. Un exemple frappant est la Charte des droits de l'homme, dont les principes sont plus que jamais bafoués. Dans ce contexte, la position du pape apparaît comme légitime. Lors de son voyage à Madagascar en septembre 2019, il a évoqué la déforestation en Amazonie en la mettant en relation avec celle à Madagascar, appelant à garantir « le droit à la distribution équitable des biens de la terre aux générations présentes mais aussi futures ».


En conclusion, il serait intéressant la création d’un comité juridique international siégé potentiellement au Brésil - en Amazonie, consacré à étudier les instruments juridiques nationaux, qui sont particulièrement protecteurs de l’Amazonie. La communauté internationale doit également se mobiliser pour un suivi plus efficace des territoires inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO et renforcer la coopération avec les États parties au Pacte amazonien. Une coopération Nord-Sud renforcée est nécessaire pour soutenir les actions entreprises par l’OTCA, et différentes occasions se présentent pour aborder ce sujet crucial. En pleine préparation de la COP30, cette institution remarquable semble presque abandonnée.


Carlos Holmes Trujillo, juriste et ancien ministre des Relations extérieures de Colombie (décédé depuis), militait pour une coopération accrue entre les pays de l'Amazonie. Dès 2015, il appelait la communauté internationale à s'engager pour la conservation et le développement durable de cette région, tout en proposant la création d'un réseau de coopération pour lutter contre les catastrophes naturelles. Son appel a ouvert la voie à une solidarité internationale concrète pour la protection de l'Amazonie.



Que pouvons-nous faire à notre niveau? 


C’est une question courante qui nous confronte souvent à un sentiment d’impuissance face à des enjeux internationaux qui nous impactent quotidiennement sans que nous en soyons pleinement conscients. Je crois fermement au pouvoir du collectif et j'ai écrit plusieurs articles exprimant les différents axes d'action. En effet, sur des sujets de cette ampleur, la communauté internationale doit intervenir avec des mesures constitutionnelles et des politiques puissantes. Cependant, il y a beaucoup à faire dans nos actions quotidiennes. NOUS AVONS LE POUVOIR DE DÉCIDER DE NOS ACHATS, DE NOS MODES DE VIE ET DU SOUTIEN À CERTAINES INDUSTRIES.


Saviez-vous qu’en 2023, IKEA a émis l'équivalent de près de 24 millions de tonnes de CO2, tout en présentant de beaux rapports de performance en matière de RSE et de recyclage ? Saviez-vous qu’une grande partie de la déforestation en Amazonie est due à la conversion de terres forestières en terres agricoles, notamment pour la culture du soja, largement utilisé en Europe par l’industrie des aliments transformés (chocolat, huiles, pâtisseries, et confiseries), ainsi que pour la production de biodiesel et d'engrais agricoles ? Saviez-vous qu'environ 80 % de la déforestation dans cette région est liée au pâturage du bétail ? Saviez-vous que l'Amazonie abrite environ 10 % de la biodiversité mondiale, dont une grande partie est déjà en voie de disparition ?


Tout cela est alimenté par nos modes de vie et de consommation irraisonnés. Les marchés n’existent plus lorsque la demande n’est pas au rendez-vous, donc notre plus grande arme est de changer nos modes de consommation afin de faire pression sur ces acteurs nuisibles.

Au-delà de ce changement quotidien nécessaire, autres actions sont envisageables dans l'immédiat :


  • Soutenir des associations et ONG: Vous pouvez soutenir des organisations qui travaillent activement sur le terrain pour protéger la forêt amazonienne. Des associations comme Amazon Frontlines ou le Rainforest Action Network, entre autres, œuvrent sans relâche pour minimiser les dégâts causés par la déforestation.

  • Participer à la reforestation depuis chez vousIl est possible de contribuer à la reforestation sans quitter votre canapé. Par exemple, le moteur de recherche Ecosia utilise ses revenus publicitaires pour planter des arbres dans le monde entier – plus de 65 millions depuis sa création. En juillet, l'entreprise s'est engagée à planter un million d'arbres supplémentaires au Brésil.

  • S'éduquer et éduquer les autresL'information est un puissant catalyseur d'action ! Informez-vous et partagez vos connaissances avec votre entourage pour sensibiliser le plus grand nombre.

  • Militer et protester : La mobilisation pacifique pour le climat et l'environnement prend de l'ampleur. Pétitions, appels aux gouvernements, manifestations... Ces actions peuvent mettre la pression sur les décideurs politiques et les pousser à agir.

  • Boycotter de manière stratégiqueLe boycott est une action non violente mais très efficace. Mettre la pression sur les entreprises et les gouvernements peut les inciter à prendre des mesures concrètes.

  • Réduire la consommation de produits d'origine animale: En Amérique latine, l'élevage de bétail et la culture du soja sont les principaux moteurs de la déforestation - l'élevage principalement en Amazonie, et le soja dans le Cerrado et le Chaco. Éviter la viande provenant d'Amérique latine ne suffit pas. La chaîne de production européenne utilise souvent du soja pour nourrir les animaux, soja qui peut provenir de zones déforestées. Chaque repas est une opportunité de faire une différence. Donc, consommer moins et accepter de payer un peu plus peut aider à soutenir les éleveurs français qui pratiquent une agriculture durable. Cela permet de compenser la baisse des ventes tout en encourageant des pratiques plus respectueuses de l'environnement.

  • Consommer local, bio et en circuit court: Privilégiez les produits locaux, biologiques et en circuit court. En connaissant l'origine de votre viande ou de vos produits laitiers, vous pouvez vous assurer que l'éleveur pratique une agriculture extensive et écologique, tout en réduisant l'empreinte carbone liée au transport. Discutez avec votre boucher! 

  • Choisir du bois, du papier et du carton recyclés et certifiés: Le trafic de bois illégal est un crime environnemental très lucratif, qui prive les pays en développement de revenus tout en contribuant à la destruction de forêts précieuses. On estime que 15 à 30 % du bois exploité mondialement est illégal, une proportion encore plus élevée dans certaines régions. Le WWF recommande le standard FSC comme le plus robuste. Cependant, la première étape consiste à réduire notre consommation de matériaux neufs et à privilégier le recyclage, la récupération, ou les matériaux issus de l'économie circulaire.

  • S'informer sur la législation européenne. Le WWF et d'autres ONG européennes estiment que les engagements volontaires des particuliers et des entreprises ne suffiront pas à ralentir la déforestation. Un cadre législatif clair et cohérent est nécessaire pour induire un changement significatif à l'échelle mondiale.



Entreprises, vous devrez vous engager!


  • Zéro Déforestation : S'engager à une politique de zéro déforestation dans toute leur chaîne d'approvisionnement, en s'assurant que les matières premières comme le soja, le bois, et l'huile de palme ne proviennent pas de zones déboisées illégalement.

  • Transparence de la Chaîne d'Approvisionnement - Charte fournisseurs : au-delà de publier des rapports détaillés et transparents sur l'origine des matières premières, l’action est inclure des audits indépendants pour vérifier le respect des normes environnementales de la part de ses fournisseurs. Les PME peuvent et doivent faire aussi à leurs niveaux. Si cette demande n’est pas inscrite pour les entreprises PME, elle est vivement recommandé comme démonstration d'engagement auprès de ses clients. 

  • Financement des Projets de Reforestation : Investir dans des projets de reforestation et de restauration d'écosystèmes en Amazonie, en collaboration avec des ONG locales et des communautés indigènes.

  • Soutien aux Communautés Locales : Travailler en partenariat avec les communautés indigènes pour protéger leurs terres, garantir leurs droits, et soutenir des initiatives de développement durable.

  • Réduction des Émissions de Carbone : S'engager à réduire l'empreinte carbone des opérations et à compenser les émissions résiduelles par des initiatives de protection des forêts et de séquestration du carbone en Amazonie.

  • Boycott des Fournisseurs Non-Conformes : Rompre les relations commerciales avec les fournisseurs impliqués dans la déforestation illégale ou la violation des droits des communautés locales.

  • Soutien aux politiques publiques : Faire pression sur les gouvernements pour adopter et appliquer des politiques publiques fortes contre la déforestation et pour la protection de la biodiversité.

  • Education et Sensibilisation : Investir dans des programmes éducatifs pour sensibiliser les salariés et les consommateurs sur l'importance de la forêt amazonienne et les conséquences de sa destruction. investir sur des programmes d’action sociale des salariés pour la protection de la forêt. 

  • Certification Durable : S'assurer que tous les produits liés à la forêt (bois, papier, soja, etc.) soient certifiés par des labels reconnus pour leur durabilité, comme FSC (Forest Stewardship Council) ou RTRS (Round Table on Responsible Soy).

  • Innovation pour des Alternatives : Investir dans la recherche et le développement d'alternatives durables aux matières premières provenant de la forêt amazonienne, afin de réduire la pression sur cet écosystème critique.




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