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Mesurer la température du problème

Image source : Journal O Globo


Nouveau pic de température à Rio le 18 mars 2024 — fin de l’été dans le pays. Le système d’alerte municipal de Rio, annonce une température ressentie de 62,3 °C à 09 h 55 à Guaratiba, un quartier de l’ouest, après 60,1 °C la veille, un record depuis que ce type de mesure a commencé en 2014. La zone ouest de Rio est composée de quartiers pauvres, excentrés et mal desservis, où vit plus de 40 % de la population de cette ville de plus de six millions d’habitants. L'État de Rio compte, quant à lui, plus de dix-sept millions d’habitants.


Avec une température réelle maximale de 42 °C, la température ressentie est montée au plus haut même dans le quartier résidentiel du Jardin botanique dans le sud de Rio, lieu privilégié avec sa nombreuse végétation, mais où la température ressentie est montée à 57,7 °C ce dimanche. Quant aux favelas, personne n’était capable de mesurer la chaleur de ces “logements” entassés où la circulation de l’air est précaire et où les toits et les cloisons sont souvent en métal (construction économique et intermittent).


Rajoutons à cette population (favelada) des emplois précaires, à l’extérieur, exposée à la chaleur continuellement. Le taux de mort est difficilement mesurable au Brésil qui a fréquemment des difficultés avec les statistiques. Et pourtant nous connaissons les méfaits d’une exposition prolongée aux fortes chaleurs sans protection. Selon une étude publiée en janvier, 48 000 personnes sont mortes à la suite de maladies provoquées par la chaleur dans les quatorze principales villes brésiliennes entre 2000 et 2018, dont 9 641 à Rio de Janeiro. « Ce chiffre est vingt fois plus élevé que les décès dus aux glissements de terrain au cours de la même période », comparent les scientifiques.


L’année 2023 fut déjà la plus chaude de l’histoire du pays. La chaleur et l’humidité rendent la sensation pesante depuis quelques années de manière presque chronique.


Le Brésil est le 12ᵉ plus grand pollueur de la planète en matière d’émissions de gaz à effet de serre et le troisième des pays en développement, après la Chine et l’Inde. À l’inverse de la plupart des pays développés et de nombreux pays en développement, les émissions de gaz à effet de serre du Brésil proviennent davantage du modèle d’utilisation des sols et des forêts que du secteur énergétique. En cause d’abord, la déforestation de l’Amazonie, mais aussi la démesure de l’élevage de bétail. Si en matière de développement des énergies renouvelables, le Brésil fait figure de modèle — éthanol, hydroélectricité, mesures incitatives… — Sa vulnérabilité aux effets des changements climatiques, notamment en raison de la grande diversité et fragilité de ses écosystèmes, est préoccupante. L’ignorance est frappante, partout le discours climatosceptique est présent. Le Brésil clame pour un retour de Bolsonaro — après tout, et encore sous un discours qui proclame que le changement climatique n’est que la mystification d’une Europe qui courtise l’Amazonie et qui tente de manipuler le peuple brésilien.


Devant tant d'ignorance, les projets utiles peinent à se développer. C’est le cas du projet « Cada favela, uma floresta » (« pour chaque favela, une forêt »), visant à planter des arbres dans les quartiers périphériques et à installer « cent points d’hydratation gratuits dans la ville ».


De par l’Amazonie, le Brésil joue un rôle capital et unique dans le changement climatique.

 

Dans le cadre des négociations internationales, le Brésil souligne que le changement climatique relève davantage de l’accumulation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère que des émissions annuelles. En effet, le dioxyde de carbone, le gaz à effet de serre le plus important, stagne dans l’atmosphère en moyenne pendant plus d’un siècle. Par conséquent, les données concernant les émissions annuelles ont tendance à surestimer la contribution des pays en développement au changement climatique et à sous-estimer celle des pays développés. Voilà pourquoi le Brésil se refuse à limiter ses émissions de gaz à effet de serre avant la moitié du 21e siècle. La vulnérabilité du Brésil au changement climatique est de plus en plus évidente. Il n’a jamais fait si chaud, il n’a jamais été si inconfortable d’être à l’extérieur. Vivre avec une climatisation (même les plus pauvres en possèdent) est devenu vital.


La forêt tropicale humide de l’Amazonie ainsi que la région marécageuse du Pantanal sont particulièrement concernées. Certaines études montrent qu’une augmentation de la température pourrait assécher la forêt tropicale humide de l’Amazonie et favoriser des départs de feux spontanés ; un danger majeur pour les habitants de la région nord, entourés de forêt. Là aussi, la lutte des classes est présente. Les plus pauvres vont de surcroît en dehors de la ville, plus proche de la forêt afin de pouvoir se loger par manque de moyen financier d’être, s’exposant à des risques liés à la violence (souvent envers les femmes — plus fragilisées dans le contexte), de contamination de certains organismes qui pourraient devenir vecteurs de maladies, à l’instar des moustiques, responsables de la transmission de la fièvre dengue et du paludisme, et des triatomas (tripanosomiasis americana) qui transmettent la maladie de Chagas. Des habitants dépendent des transports périlleux et sans climatisation – cause de malaises consécutifs. En cas de feux de forêt, ils deviennent les premières victimes. Sachant que ces feux libèrent davantage de gaz à effet de serre qui vient s’ajouter à ceux déjà présents dans l’atmosphère, générant ainsi une nouvelle hausse des températures.


On ignore encore quelles seront les exactes conséquences du changement climatique sur la productivité agricole au Brésil, mais ses effets éventuels sur les cultures importantes à l’économie du pays telles que le maïs, le soja, le blé, le café et les oranges, restent très préoccupants. Le Brésil a entrepris une étude approfondie afin de comprendre l’impact du changement climatique sur l’économie, la société, l’agriculture, le secteur de la santé et l’environnement du pays. Il est important pour le pays d’évaluer sa vulnérabilité dans le but d'appuyer les décisions politiques qui devront être envisagées pour que le pays s’adapte au mieux aux conséquences inévitables du changement climatique. Seulement, verrons-nous ces décisions ? Difficile d’anticiper. La dimension du problème et sa complexité sont de taille.


En raison de l’expansion de la frontière agricole, principalement en Amazonie, la déforestation constitue la source principale d’émission de gaz à effet de serre au Brésil. Les images satellites permettent d’estimer l’ampleur de la déforestation. Cependant, en raison d’un manque d’informations fiables concernant la biomasse des différents types de forêts et de savanes, il est difficile de calculer les émissions correspondantes. 


Si les efforts sont réels, ils restent tout de même largement insuffisants. Le pays de 221 millions d’habitants est loin de réaliser que son mode de vie est une bombe à retardement. Tout est jetable et pollue, rien n’est recyclé, on surconsomme, on surexploite, on est dans l’hétérodoxie totale. Le Brésil vit encore dans les perspectives de croissance des années 2000 en Europe. Le principe de la RSE est en Amérique latine une blague mal menée de greenwashing qui, de plus, n’est pas sous contrainte juridique, mais au bon vouloir de ceux qui polluent sans cesse. Face à la forte population, l’inconscience de la gravité du problème et l’évidence d’un peuple qui a du mal à se nourrir, le changement climatique n’est qu’une fable un jour entendue. Les programmes comme : Programme éthanol, Programme de conservation de l’énergie électrique, Programme d’incitation au développement des énergies renouvelables, Investissements en matière d’énergie hydroélectrique, autres programmes énergétiques, sont minimes et même incompris devant le besoin de survie du peuple brésilien. 

 

La taille du Brésil en termes géographique, démographique et économique est un facteur réel de complexité de la question du changement climatique et de difficulté dans la politique publique. La déforestation de l’Amazonie va de pair avec une perte significative de la biodiversité et avec l’émission de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Il s’agit là d’un problème essentiel qu’il ne faut surtout pas éluder. Le Brésil revendique le droit de ne pas être contraint de suivre les exigences de la convention — cadre des Nations unies sur le changement climatique en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (même après l’expiration du Protocole de Kyoto, à savoir en 2012). La pression internationale fait son effet, toutefois, elle reste incomprise de l’ensemble de la population ignorante des enjeux. 


Quelle politique publique appliquer dans un pays de 221 millions d’habitants et un niveau d’ignorance majeur ? 

Comment protéger le peuple autochtone — les femmes autochtones face à la déforestation et les attaques meurtrières des « garimpeiros » qui continuent encore et toujours ? 

Que dire des conséquences de cette montée des températures sur un peuple qui a déjà du mal à se nourrir et d’un pays où le SUS (système unique de santé) n’arrive pas à accomplir ses promesses ?

Qui pourrait intervenir alors que nous observons avec inquiétude l’impuissance de la voix de l’ONU — seul organe capable de faire pression et de soutenir directement les actions du gouvernement ? 

 

Il faut comprendre que dans un contexte de grande pauvreté de la population brésilienne, changer de mode de vie pour protéger l’environnement est inentendable. Pendant ce temps, la Terre se réchauffe. 

















Auteur : Julia Agard

Sources : Le Monde - Au Brésil, les favelas touchées de plein fouet par la canicule- Par Dominique Correia

Ekwateur - Par Aline le 10 octobre 2023

Paradoxes d'un Brésil face au changement climatique - Par La Rovere

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