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TAXONOMIE AU BRÉSIL

Dernière mise à jour : 15 avr.

Résumé : Il est urgent de mettre en place des solutions pour protéger la forêt amazonienne, telles que la création de larges zones protégées, l'arrêt total des projets d'infrastructure, et la mise en place de politiques de développement qui ne favorisent pas la déforestation.

Image source : Getty Images - Libre des droits - Drapeau français et drapeau brésilien


Ce serait fantastique si ce pays pouvait agir davantage dans la protection de l’intérêt de son peuple. Je me rappelle être sortie d’une réunion avec l’un des plus grands pouvoirs ministériels et avoir entendu cette phrase “ ce serait bien s’ils étaient aussi performants dans leurs actions que sur leur présentation ppt”. Impossible de mieux résumer les faits.


Du 26 au 28 mars dernier, le président Macron s'est rendu au Brésil pour un déplacement officiel, accompagné d'une délégation de laquelle j’ai eu l'honneur de faire partie. Cette visite avait pour but de renforcer les liens d'amitié entre les deux pays, mais aussi de discuter de questions cruciales telles que le climat, la protection des peuples autochtones et de la forêt amazonienne, ainsi que du développement économique et social.


Lors de cette visite d’État, nous avons eu l'occasion de rencontrer le cacique Raoni Metuktire, chaman et grand protecteur des peuples autochtones, dont la fragilité m’a rappelé celle du peuple et des terres qu'il défend depuis toujours. Nous avons également assisté à la mise à l'eau du troisième sous-marin de conception française à propulsion conventionnelle, sur le chantier naval d'Itaguai à Rio de Janeiro. Le séjour s’est finalement terminé à Sao Paulo par un échange avec un comité des plus grandes entreprises françaises qui sont déjà établies et performantes au Brésil.


Le point de départ de l’itinéraire présidentiel était l’Amazonie brésilienne, et pas par hasard: la plus grande forêt du globe est plus que jamais convoitée par de nombreux acteurs mondiaux. Les négociations et les annonces à ce sujet sont souvent perverses et symptomatiques de la vision actuelle en ce qui concerne la protection du vivant, qui ne fait pas l'unanimité. Notre espèce n'a jamais été aussi menacée dans l'histoire de l'humanité et malgré les alertes, les intérêts économiques prennent fréquemment le dessus sur les enjeux environnementaux.


Lors de tables rondes pendant lesquelles j'ai eu l'honneur de m’exprimer, l'idée d'une taxonomie qui obligerait les entreprises en PPP (Partenariat Public-Privé) et les ONG à rendre des comptes a été perçue comme un affront. Il est intéressant de noter que lors de la précédente réunion du G7, le président Macron a suggéré de prendre des mesures à l'égard de la catastrophe actuelle en Amazonie, accusant son homologue brésilien de l'époque, Jair Bolsonaro, de mentir sur la tenue des engagements environnementaux pris lors du sommet du G20. Qui dirait mieux ! Si la pertinence de cette intervention n’est pas sujette à débat, il est légitime de douter de la mobilisation réelle des entreprises déjà en place, qui, souvent, cherchent à protéger leurs monopoles, et de la profondeur de l’engagement environnemental lors des négociations géopolitiques, naturellement guidées par des motivations patriotiques.


Il n’est pas nécessaire de remonter très loin dans le passé pour en trouver un exemple : le 31 juillet 2019, sous la présidence Macron, à l’époque Bruno Le Maire était déjà le ministre de l’Économie, un contrat minier de 500 hectares est signé au motif d’une “exploitation en recherche”. Les peuples autochtones connaissent bien la gravité de l’impact de ces permis : ils entraînent des conflits, liés à la terre, avec un peuple qui se sent envahi, menant à d’importants massacres, des viols en série, une prostitution infantile, ou des assassinats qui perdurent grâce à une impunité totale. Une autre conséquence non négligeable de ces concessions est constituée par la pollution au mercure, qui cause des dégâts irréversibles chez les enfants et adultes qui y sont exposés. 


Maurizio Giuliano, le directeur du Centre d’information des Nations unies pour le Brésil (UNIC), rappelle, consterné, que le pays a signé en 2007 la convention sur les droits des peuples autochtones à l’ONU. Il soupire : "Dix ans plus tard, je n’imaginais pas qu’on parlerait encore de leur droit à survivre."

Et pourtant ! Dix-sept ans plus tard, ce droit est encore menacé, hélas…


Le gouvernement français se présente comme le plus grand défenseur de la biodiversité et de la nature, mais nous pouvons raisonnablement mettre en doute ses bonnes intentions lorsqu’un rapport d'Amazon Watch pointe le lien de certaines entreprises françaises avec la déforestation en Amazonie. Ou quand un ensemble d’articles met en cause différents services de protection des forêts dans des affaires de corruption. Ce problème est mis en évidence dans le film d'Edouard Bergeon, La promesse verte


Connaissant le sujet de près, cela me paraît quasiment tragi-comique d’entendre parler d’investissements financiers1. pour la sauvegarde de la forêt, de patrouilles de protection, etc. , lorsque j’observe la réalité sur le terrain. Il faut effectivement déployer des moyens pour contrôler efficacement cette zone, cependant ce sont des ressources bien plus conséquentes qui sont nécessaires, appuyées par une stratégie de guerre, des armements et des patrouilles de guerre. Car c’est bien de guerre dont il est question, si l’État veut reconquérir sa souveraineté face aux cartels et à l’extraction minière illégale. 


Pourtant, croyez-moi : ces terres sauraient parfaitement se protéger seules si l’homme s’abstenait de les exploiter sans mesure. 


Les industries sont conscientes qu'elles contribuent à des pertes de vies à travers le monde, à cause de la pollution, notamment, à des impacts négatifs, et à la publication de rapports extrafinanciers dénués de sens en termes d'effets sociaux et environnementaux. Total, L'Oréal, Sanofi, entre autres, n'ont rien à apprendre sur leur impact. 


Il est urgent de mettre en place des solutions pour protéger la forêt amazonienne, telles que la création de vastes zones protégées, l'arrêt total des projets d'infrastructure, et l'adoption de politiques de développement qui ne favorisent pas la déforestation. Il est également crucial de considérer le rôle de l'urbanisation dans ce phénomène, bien que cela soit sujet à controverse. Toutefois, la déforestation induite par l'extension urbaine est déjà bien documentée pour son impact sur la biodiversité.


Sauver la forêt amazonienne, et tous les êtres qui l'habitent, revient à sauver la vie elle-même. En l'espace de seulement 50 ans, 58% des animaux vertébrés ont disparu de la planète. Mettre en rapport la gravité de cette perte avec une si courte période est alarmant. Déjà, des générations entières grandiront sans jamais connaître ces espèces que seuls les livres d'histoire leur enseigneront. L'enjeu est colossal. Qu’attendons-nous pour agir ? Devons-nous compter sur une nouvelle “Affaire du Siècle” pour réagir ?


La justice est limitée dans les affaires qui concernent les États et, de manière étrange, elle est souvent absente lorsqu'il s'agit des entreprises. C'est là que nous devons concentrer nos efforts, en addition de la désobéissance civile que je crois nécessaire, surtout pour une cause aussi vitale que la protection des forêts. Nous avons plus que tout besoin d'une stratégie unifiée qui mobilise toutes les forces : manifestations, actions de désobéissance civile, recours en justice et entrave opérationnelle, sans oublier la création de nouveaux récits capables de mobiliser des centaines de millions de personnes. En ce qui concerne le marché économique, des lois strictes et contraignantes ainsi qu'une population mobilisée prête à protester en cas d'impunité peuvent soutenir les actions en justice. Celle-ci peut s’avérer lente : il est primordial de la rendre plus efficace sur ce sujet crucial.


Paul Hawken a élaboré un plan particulièrement ambitieux pour inverser la tendance du changement climatique dans son livre Drawdown, réunissant 70 chercheurs de divers domaines et classant 80 solutions selon leur efficacité. Parmi celles-ci, en bonne place, se trouve la protection des forêts tropicales. “Laisser la nature reprendre ses droits est essentiel pour la survie sur terre," affirme-t-il. Cela implique de travailler en étroite collaboration avec les peuples autochtones, qui détiennent une connaissance précieuse de ces terres. La technique appelée Muvuca en est un exemple. 


Méfions-nous des discours qui prônent la simple plantation d'arbres comme solution. Le véritable remède réside surtout dans l'arrêt de leur abattage, donc dans leur protection, et dans la réduction des autres sources d'impact. En tant qu'originaire de ces forêts, je connais celles-ci, je les observe, et je sais qu'elles se portent très bien sans notre intervention. En tant qu’espèce prise dans son ensemble, nous sommes à la fois l’élément perturbateur et les victimes de cette perturbation : il s’agit de mettre fin à cette situation absurde.


En conclusion, la visite du président Macron au Brésil a été l'occasion de discuter de questions cruciales pour l'avenir de notre planète. C’est un symbole puissant, cependant, il est impératif de rester vigilants quant aux véritables motivations des entreprises et des programmes de politique publique. La protection de la forêt amazonienne est essentielle pour préserver la biodiversité et lutter contre le réchauffement climatique. C’est pourquoi des solutions concrètes et législatives doivent être mises en place de toute urgence pour la protéger.


Actions proposées :


  • Mise en place d'une taxonomie brésilienne

  • Obligation d'évaluation des performances en termes de taxonomie dans les contrats de concessions

  • Au-delà des rapports extrafinanciers, exigence de la signature d'une liste d'engagements sociaux dans les zones d'action

  • Mesurer le caractère éthique et durable du projet avec un engagement de continuité du projet, indépendamment de sa performance économique pour l’entreprise, et responsabilisation en cas de dégât

  • Description précise des zones de déforestation avec des sanctions claires en cas de dépassement

  • Libération de zones uniquement entre les zones de forêt protégée pour imposer un contrôle sur les zones de déforestation

  • Audit des rapports extrafinanciers et des zones d'impact par des acteurs externes 

  • Interdiction des projets d'infrastructure en zone verte

  • Accord de bonus pour les entreprises démontrant des performances dans l'éducation environnementale.


"le capitalisme naturel prouve - bien au-delà de tout argument - qu’il existe des technologies disponibles à l’heure actuelle et à l’horizon, ce qui nous permettra de nous enrichir davantage en nettoyant et non en polluant l’environnement”

Hawken, Paul (1997). Natural Capitalism: Creating the Next Industrial Revolution. Little Brown




Auteur : Julia Agard ©

Réf. : 1. Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) 



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