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Étude de cas : Smart Cities - Le Besoin d'une Réflexion Globale et Plurielle

Les Smart Cities, ou villes intelligentes, sont au cœur des discussions sur l’avenir des centres urbains face aux défis climatiques, économiques et technologiques. Elles représentent des modèles de gestion urbaine intégrant des technologies avancées, telles que l’intelligence artificielle (IA), les données massives (big data), et les énergies renouvelables, pour améliorer la qualité de vie des citoyens tout en réduisant l'empreinte environnementale.


Cependant, la création de smart cities ne se limite pas à l’utilisation de technologies de pointe. Elle requiert une coordination complexe entre gouvernements, secteurs privés, citoyens et infrastructures. Dans cet article, nous explorerons plusieurs exemples et points de vue sur les smart cities à travers une analyse des modèles japonais et sud-coréen, ainsi qu’un regard critique sur les limites et défis de ces approches avec comme exemple l'Ukraine. En fin de compte, la réflexion portera également et surtout dans une optique "risque" environnementale (limites planétaires) et risques géopolitiques sur les questions liées à la cybersécurité et l'anticipation, à la protection des données, et gestion humaine de crise dans ces villes connectées.



Le modèle japonais et sud-coréen des smart cities


Le Japon et la Corée du Sud sont souvent cités comme des pionniers dans le domaine des smart cities. Ces pays ont fait des investissements massifs dans les technologies numériques pour renforcer la résilience de leurs infrastructures et anticiper les catastrophes naturelles, comme les tremblements de terre, les typhons et les inondations. Leur succès repose sur une approche intégrée où l'IA et l'Internet des objets (IoT) sont utilisés pour gérer les infrastructures critiques comme les transports, la santé et l’énergie.


L’exemple du Japon, avec des villes comme Sendai, est particulièrement pertinent. Sous la direction de la maire Madame Kazuko Kohri, Sendai a mis en place un conseil de direction dédié à la gestion des catastrophes climatiques à travers la digitalisation. L'objectif principal est d'utiliser la technologie pour anticiper et réagir rapidement aux crises. Par exemple, les services médicaux en ligne et les véhicules autonomes sont employés pour garantir une assistance rapide aux citoyens en cas de catastrophe. Seulement, en cas de déconnexion numérique, quelle est la solution ?


Si le modèle est remarquable, sa limite réside dans sa dépendance au numérique. En cas de coupure des réseaux, ces systèmes deviennent inopérants, et aucune solution n’a encore été pleinement développée pour gérer une ville sans numérique. Cette question soulève le besoin d'anticiper des scénarios de rupture technologique, où l'IA ne serait plus disponible à cause de catastrophes naturelles ou d'attaques cybernétiques.


Corée du Sud : Un modèle d’intégration technologique avancé


La Corée du Sud est souvent considérée comme le modèle le plus avancé en matière de smart cities, notamment avec des villes comme Songdo, un véritable laboratoire de la ville intelligente. Songdo utilise des capteurs dans toute la ville pour surveiller la consommation d’énergie, la gestion des déchets et la mobilité. Ces infrastructures connectées sont pensées pour réduire l’empreinte carbone et offrir un cadre de vie plus durable.


L'approche sud-coréenne repose fortement sur l’intégration des technologies de l'information et sur un partenariat étroit entre le gouvernement et les secteurs privés. Ce modèle prouve que des infrastructures numériques peuvent améliorer la vie quotidienne des citoyens, tout en contribuant à la lutte contre le changement climatique.


Ce qui fonctionne entre les deux pays : Coordination et investissements publics-privé


La réussite des smart cities en Corée du Sud et au Japon repose en grande partie sur une coordination efficace entre les gouvernements, les entreprises technologiques et les citoyens. Par exemple, les PME jouent un rôle central dans le financement et la recherche-développement, en proposant des solutions innovantes pour améliorer les infrastructures. En Allemagne, par exemple, le BMWSB a également lancé des initiatives pour encourager les solutions open source et les plateformes collaboratives. Ces initiatives permettent aux petites villes de participer activement à la transition numérique, montrant qu’il est possible d’adapter les approches des smart cities aux petites et moyennes villes.


De plus, l’investissement dans les technologies numériques, conçues dès la phase de recherche et développement (R&D) pour contribuer à une réduction significative de l’empreinte carbone, peut, grâce à l'IA, jouer un rôle économique et opérationnel dans la réduction des émissions de carbone superflu. Cependant, cela devra être anticipé dès la phase de développement, avec une recherche approfondie sur les sources et une production locale, permettant d’optimiser la gestion des ressources.


Ce qui ne fonctionne pas : Dépendance numérique et cybersécurité


Malgré ces réussites, il existe des failles dans l’approche des smart cities. L’une des plus grandes vulnérabilités est la dépendance excessive à la technologie. Les infrastructures des smart cities sont si profondément interconnectées qu’en cas de cyberattaque, de panne électrique, ou de catastrophe naturelle, elles risquent de devenir inutilisables. À Kiev, par exemple, la guerre a révélé à quel point les infrastructures numériques pouvaient être fragiles et comment, en l’absence de réseaux fiables, les villes ne pouvaient plus fonctionner normalement.


En outre, la question de la cybersécurité devient un enjeu central dans le débat sur les smart cities. La RGPD en Europe protège théoriquement les citoyens contre l’utilisation abusive de leurs données personnelles, mais cela n’élimine pas totalement les risques. Une mauvaise gouvernance ou un changement de régime politique pourrait transformer ces villes intelligentes en outils de surveillance malveillante. Des mesures comme la " Convention de Rome", soit, donc, des mesures exceptionnelles et puissantes à niveau légal suggéré dans le contexte européen, pourraient aider à préserver les droits et libertés individuelles face aux dérives possibles.


Anticipation des catastrophes naturelles : un défi global


Alors que les projets de smart cities se développent , un danger croissant demeure largement sous-estimé : la vulnérabilité face aux catastrophes climatiques. Les États et entreprises, souvent concentrés sur la transformation numérique et la gestion des données, semblent ignorer l’ampleur des risques climatiques qui pourraient compromettre le fonctionnement de ces villes intelligentes.


Les catastrophes naturelles, telles que les inondations, les ouragans ou les incendies de forêt, augmentent en fréquence et en intensité à mesure que le changement climatique progresse. Les actualités ne nous laissent pas nier. Malgré cela, peu de stratégies de résilience sont réellement mises en place pour anticiper des perturbations majeures dans les infrastructures numériques et technologiques des smart cities. La connexion continue des villes à des réseaux d’information est cruciale, mais ces systèmes sont hautement vulnérables aux chocs environnementaux. Par exemple, une tempête de grande ampleur pourrait détruire les réseaux électriques et communications, rendant les systèmes de gestion des données inopérants dans les moments critiques où ils sont les plus nécessaires, comme lors des évacuations ou des interventions d'urgence.


Le manque d'anticipation de ces risques est particulièrement frappant dans les pays à forte densité urbaine, où les gouvernements et entreprises ont concentré leurs efforts sur l'optimisation des services urbains via l'intelligence artificielle et la gestion des données, sans se préparer adéquatement à la défaillance potentielle de ces systèmes. La situation est encore plus préoccupante dans le secteur privé, où les investissements sont souvent motivés par la rentabilité immédiate, reléguant au second plan les questions de résilience face aux catastrophes naturelles.


Les États et entreprises doivent ainsi revoir leurs stratégies et inclure des plans d’urgence robustes qui anticipent les risques climatiques. Cela implique la création de systèmes capables de fonctionner même sans infrastructures numériques, par exemple en établissant des réseaux de secours manuels ou hybrides. Il devient également crucial de décentraliser les données, en veillant à ce que les centres de données ne soient pas concentrés dans des zones géographiquement vulnérables. Les limites de l’intelligence artificielle dans des contextes de catastrophe naturelle doivent être reconnues, et la préparation des populations et des systèmes traditionnels, souvent négligée, doit être réhabilitée.


Le Japon, a intégré des réseaux alternatifs pour maintenir la communication en cas de tremblement de terre, mais ces solutions restent limitées.


Entre les risques, nous avons l'exemple de l'Etat de São Paulo au Brésil qu'offre une perspective différente. Bien que cette ville n’ait pas encore développé des infrastructures aussi avancées que celles du Japon ou de la Corée du Sud, elle met l'accent sur la gestion des risques en utilisant des données pour anticiper les situations de crise. Cependant, São Paulo fait également face à des défis importants en matière de corruption, de gestion de ressources, d’éducation numérique et de sécurité qui ralentissent la transition vers une ville connectée.


La cybersécurité et l’économie de guerre : enjeux cruciaux


L'intégration des technologies dans les smart cities transforme les villes en véritables centres névralgiques où données et infrastructures numériques deviennent des enjeux géopolitiques majeurs. Dans un contexte mondial marqué par des tensions croissantes, les données urbaines sont devenues un atout stratégique et une cible privilégiée dans les conflits modernes.


L'exemple de la guerre en Ukraine démontre l'importance des infrastructures numériques dans les conflits actuels. Les attaques cybernétiques menées contre les réseaux de communication, les systèmes énergétiques et les infrastructures critiques montrent comment la cyber-guerre est devenue un outil de déstabilisation. Les données des smart cities — qu’il s’agisse de la gestion des transports, de la santé publique ou des services de sécurité — représentent des points de vulnérabilité pour les États, et leur protection est aujourd’hui une priorité nationale.


Par ailleurs, les données des smart cities sont également un enjeu économique de premier ordre. La concurrence entre puissances mondiales, notamment entre les États-Unis et la Chine, autour du contrôle des technologies de l’information et des infrastructures urbaines, est une autre illustration de cette réalité. La Chine, par exemple, s'efforce de devenir un leader mondial en matière de smart cities avec des projets massifs comme ceux de Shenzhen et de Hangzhou. Ces villes s'appuient sur l'intelligence artificielle, les caméras de surveillance, et la reconnaissance faciale pour gérer la vie urbaine, ce qui suscite des préoccupations sur les droits humains et la surveillance de masse et ce débat ne doit pas être niée.


Le contexte de risques actuelles que nous nous confrontons, combinée à la prolifération des technologies numériques, fait émerger une nouvelle forme d'économie de guerre. Les États cherchent à sécuriser leurs données tout en développant des capacités d'attaque et de défense numériques. Dans ce cadre, les smart cities deviennent des champs de bataille invisibles, où la maîtrise des données urbaines peut devenir un facteur déterminant de puissance géopolitique. Les conflits futurs pourraient ne plus seulement se jouer sur des terrains militaires, mais aussi sur les réseaux et les infrastructures digitales qui sous-tendent les villes intelligentes. Il ne s'agit pas de se paralyser, mais d'anticiper ses points pour gérer des projets de smart cities réellement performants.


Dans ce contexte, il est crucial de développer des systèmes de protection des données robustes pour protéger la vie privée des citoyens, tout en garantissant que ces données ne deviennent pas des outils de contrôle social ou des armes économiques dans des situations de conflit. En outre, les infrastructures énergétiques sur lesquelles reposent les smart cities dépendent souvent de ressources non renouvelables, ce qui pose la question de leur viabilité à long terme, surtout dans un monde où les catastrophes naturelles se multiplient.


Vers une vision plus polyvalente, transversal et résilient des smart cities


La création de smart cities ne doit pas se limiter à l’adoption de technologies de pointe. Elle doit s’accompagner d’une réflexion profonde sur les limites et risques associés à la digitalisation massive des infrastructures urbaines. L'humilité face aux forces de la nature est essentielle. La technologie seule ne suffira pas à rendre nos villes résiliantes. Les smart cities doivent être conçues avec des plans d’urgence, intégrant l’intelligence collective des citoyens, et prenant en compte les enjeux climatiques, géopolitiques, et énergétiques. Nous ancêtres ont beaucoup a nos apprendre.


Je conclure par affirmer que la transition vers des smart cities doit être inclusive, souveraine et axée sur le bien commun, en tenant compte des réalités locales, des cultures et des défis socio-économiques. L’avenir des smart cities dépendra de la capacité des gouvernements, des entreprises, et des citoyens à collaborer pour créer des villes durables et résiliantes, prêtes à faire face aux défis d’un monde en perpétuel changement.



Un approche plus personnelle sur le sujet


Les smart cities, en tant qu’aboutissement de l'innovation technologique et de l'optimisation urbaine, incarnent la vision d’un progrès linéaire où la technologie semble capable de résoudre tous les défis contemporains. Cette approche, qui promet des solutions à travers l’intelligence artificielle, les données massives et l’urbanisme intelligent, porte néanmoins en elle des limites profondes, particulièrement lorsque ces villes sont conçues en ignorant les contraintes environnementales et les limites planétaires.


Sur le plan plus idéologique dont je me permet, la smart city représente une forme de technocratie de la productivité et ou la connectivité sont les priorités absolues. Pourtant, cette quête de perfection technologique repose sur une illusion de contrôle dont certains limites nous confrontons (la guerre, par exemple). Nous partons du principe que la technologie peut maîtriser la complexité du monde naturel, voire même se substituer à la nature elle-même. Or, cette vision est fondamentalement déconnectée de la réalité écologique. La nature fonctionne selon ses propres lois, intransigeantes et imprévisibles. Les catastrophes naturelles, amplifiées par le changement climatique, rappellent régulièrement la fragilité de nos systèmes technologiques, y compris ceux qui sous-tendent les smart cities.


Les limites planétaires — telles que la disponibilité des ressources, la capacité d’absorption des déchets et la régénération des écosystèmes — sont souvent ignorées dans le modèle de la smart city. Ce dernier suppose implicitement que la technologie est infinie dans ses possibilités et que les ressources naturelles sont abondantes ou facilement remplaçables par l’innovation. Pourtant, la technologie elle-même dépend de ressources limitées : des terres rares, des métaux précieux et une immense quantité d’énergie. En poursuivant "le rêve" d’une ville toujours plus intelligente, nous contribuons à l’épuisement de ces ressources, accélérant la crise écologique mondiale.


Cette hybris technologique, c’est-à-dire l'excès de confiance en notre capacité à dominer le monde naturel, nous éloigne d’une relation plus équilibrée avec la nature. Plutôt que de chercher à coexister avec elle, à respecter ses limites, la smart city postule une ville où tout est calculable, quantifiable et optimisable. Dans cette perspective, la ville devient un organisme artificiel dont l’efficacité dépend de l'exploitation maximale de la planète.

L’éthique du progrès technologique doit inclure une conscience aiguë des risques et des incertitudes. Edgar Morin

Sur un plan plus concret, la ville « intelligente » est paradoxalement fragile et énergivore. Que se passe-t-il lorsque les ressources énergétiques deviennent plus rares ou que les infrastructures énergétiques sont perturbées par des crises climatiques ou politiques ?


D'un point de vue plus existentiel, l'amazonienne que suis-je ne peux pas s’empêcher de considérer que la "smart city" tend à promouvoir une vision déshumanisante de la ville. En confiant de plus en plus de décisions à des algorithmes et des machines, nous risquons de réduire l'expérience urbaine à une série d’optimisations impersonnelles. La ville, historiquement le lieu de rencontres, de créativité et de diversité, pourrait devenir un espace où l’efficacité prend le pas sur la richesse humaine, un système à gérer, où les habitants ne sont plus que des utilisateurs de services. Nous sommes plus que cela.


Les limites de la "smart city" résident non seulement dans son détachement des contraintes environnementales et planétaires, mais aussi dans sa vision réductrice de la condition humaine. Elle est, en un sens, la manifestation d’une utopie technologique qui, en oubliant les fragilités du monde naturel et les ressources limitées, s’expose à un avenir incertain. La question fondamentale qui se pose est donc :


Jusqu’à quel point pouvons-nous continuer à digitaliser et automatiser la ville sans perdre de vue notre relation intrinsèque avec la nature, notre vulnérabilité écologique, et les limites imposées par la planète elle-même ?


A vous de me répondre!


©Julia AGARD

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